Depuis deux jours, les manifestations se multiplient sur le territoire sénégalais. Les localités se passent le relai. Aujourd’hui, nous sommes unanimes sur le fait qu’il ne s’agit plus seulement d’un contentieux judiciaire, mais le combat d’un peuple qui a enfin décidé de crier son ras le bol après moult frustrations tues et des sentiments de spoliation refoulés. Le gaz a été trop compressé dans le fût, il a explosé.
Ces foules qui scandent leur amertume dans les rues ont entamé avec détermination leur procédure de divorce avec un régime dictatorial masqué, incarné par des dirigeants sans empathie.
Nous sommes en face d’un gouvernement qui n’est pas prêt à récidiver. Malgré les morts, le président de la République est claquemuré dans son silence. On peut légitimement lire du mépris et de l’arrogance derrière cette attitude.
La machine est lancée et il s’agit d’une entreprise de chasse à l’homme. Des nervis sont recrutés pour bastonner les manifestants et tous les partisans de Ousmane Sonko sont de parfaits boucs émissaires sur qui on va porter les responsabilités des violences.
Cette machine aussi prévoit de manipuler l’opinion internationale. Le gouvernement, par la voix de son ministre de l’intérieur M. Antoine Félix Diome, en s’adressant à la communauté internationale a pointé le doigt sur les manifestants avec un jargon violent, lourd et criminellement chargé. Les expressions utilisées se passent de commentaires : « conspiration contre l’État, terrorisme, insurrection, grand banditisme ».
Son discours a servi à mettre de l’huile sur le feu puisqu’il a clairement l’intention de ternir l’image de ces manifestants qui ne réclament que leur liberté et la reconnaissance de leur dignité.
Au moment de s’adresser aux Sénégalais, il a utilisé le wolof pour faire des leçons de morale à ceux qu’il a déjà traités de terroristes. Fin manipulateur !
Nous tenons la communauté internationale pour témoin de ce processus de manipulation de l’opinion par l’État. Dans ce gigantesque tour d’illusionnisme, les menteurs sont au palais et les héros de la vérité, de la justice sont emprisonnés.
Continuons à nous battre, à mener ce combat par tous les moyens, dans l’unité surtout, car le peuple sénégalais doit démentir de manière historique que la Téranga ne rime pas avec la passivité et l’indifférence. Il faut que nous prouvions à ses pyromanes que nous ne sommes pas levés pour nous lasser au bout de trois jours.
Ce qui prouve l’insensibilité et la froideur du guignol à la tête du navire, c’est que la dernière publication sur son compte Instagram a été de dire qu’il a présidé hier un conseil des ministres sur la Grande muraille verte. Si cela n’est pas du dédain, c’est quoi alors ?
La CEADEAO et l’UA devrait condamner ce mutisme et réveiller ce roitelet qui a pris le vin de la déraison. On attend des institutions internationales qu’elles condamnent avec la dernière énergie les violations des droits humains qui sévissent sur notre territoire.
S’il y a encore des personnes qui sont écoutées par Macky SALL, le conseil à lui faire parvenir c’est de comprendre qu’accepter le dialogue et le consensus n’est pas une défaite. Vu aussi le niveau de délitement de la confiance du peuple, il pourrait avoir la grandeur de démissionner. Ce que je n’espère pas vu la manière dont il ignore le feu dans sa propre maison.
La France est encore dans le collimateur des sénégalais et est accusé d’être derrière cette machine. Que ces propos soient fondés ou non, toute puissance étrangère gagnerait à ramener le gouvernement sénégalais à l’ordre et de respecter le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures du pays. Qu’on nous laisse laver notre linge sale avec nos savons et nos bassines.
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© AP Photo/Leo Correa
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