Diary a tout d'un coup décidé d'oser et de faire ce que personne n'ose même penser. Après près de six mois d'écriture de son mémoire, validé et approuvé par son encadreur, elle a décidé de soutenir son mémoire en faisant sa présentation devant le jury avec du slam.
Évidemment, certains de ses camarades qui attendaient le jour des soutenances comme elles, la prirent pour une folle et d'autres avaient peur pour elle.
Diary avait envie d'être un iconoclaste, ne pas bousculer les zones de confort avec des paroles mais un geste fort. Inédit. Jamais vu.
Elle prit le temps de se construire intellectuellement et psychologiquement pour faire et vivre son action sans plus penser après qu'elle l'eût murement et longuement pensée.
Elle avait pris son azimut. Elle avançait.
En vérité, au fur et à mesure qu'elle avançait, aucun propos ne s'éleva s'en qu'elle ne se rendît compte que les autres qui allaient soutenir comme elle, projetaient tout simplement leur propre peur de cet exercice de défense devant un jury sur sa manière de soutenir.
Elle ne chercha point à convaincre qui que ce soit. Elle portait un combat et voulait laisser les gens comprendre à la fin.
A la fin qu'on ne prend pas une décision pour convaincre les individus. Et qu'essayer de faire adhérer les autres à la trajectoire qu'on emprunte c'est tenter de se convaincre soi-même qu'on est sur le bon chemin. Cette paraphrase du Capitaine Makhzan mérite méditation.
Diary a travaillé cette année sur un sujet stratégique, fort prépondérant dans les problématiques qui interpellent le continent rapotiombais. Surtout les pays du Rapotiombo subsaharien. Elle traitait le sujet suivant:
La centralité de la géopolitique de l'eau dans les tensions territoriales en Rapotiombo subsaharien.
Et sa problématique était très pertinente: la maitrise de l'accès aux sources d'eau et de leur exploitation avec des accords équilibrés entre les pays ne serait-elle pas le moyen efficace pour mieux juguler les conflits géopolitiques ?
Pourtant cette profonde interrogation transformée en vers et déclamée est bien attirante, croustillante et garde sa teneur: devant ces conflits au trot causés par l'or bleu qui ne coule plus à flot, ne serait-il pas sine qua non très tôt d'avoir des accords entre les États qui sortent leurs crocs pour une cohabitation dans la paix qui fait défaut?
Elle reconnaissait qu'elle prenait dans tous les cas un risque car quel que soit le résultat, bon ou mauvais, il serait une question d'extrême.
Soit elle étonnerait positivement et énormément le jury, soit elle l'énerverait extrêmement.
C'était un deux sur vingt ou un dix-neuf sur vingt.
Heureusement, elle parvint à faire sa soutenance en tout cas comme elle le souhaitait, entre stress et fierté, elle attend que les membres du jury finissent de délibérer pour la délivrer de ce lourd suspens.
Ils étaient quatre. Les deux séduits par son courage, son originalité et sa capacité à poétiser une équation scientifique, et les deux autres outrés, peinés, énervés et incapables de digérer ce qu'il considère comme une insulte à la pure tradition académicienne.
Si elle s'en sort avec une bonne note, je pense que mon mémoire sera un album de slam. C'est sûr.
Cette initiative de Diary, courageuse étudiante posait un problème plus profond. Pourquoi écrit-on un mémoire ?
Nous constatons qu'il est exigé de manière automatique voire robotique aux étudiants d'écrire des mémoires à chaque fin de cycle. Toutefois, la presque totalité de ces productions ne servent qu'à remplir les bibliothèques. Ils ne servent pas à l'État, ni aux institutions. Ils ne servent pas non plus à impacter nos communautés. Lorsque nous faisons le dépôt final du mémoire après la soutenance, le document n’est ouvert après que par les autres étudiants juste pour s'y référer en écrivant le leur, à leur tour. Ouvrir un mémoire pour voir comment on fait une revue critique de littérature, ou un guide d'entretien. A quoi servent nos mémoires s'ils ne font qu'alourdir de papiers et de poussière les placards de bibliothèques ?
Il est important dès lors de revoir ce que les étudiants décident d'investir comme sujet de recherche et la manière de les restituer.
Je pense que toutes les promotions sortantes, de chaque école, dans toutes les disciplines doivent être en mesure, au moins une fois tous leurs sujets d'étude et résultats de recherches obtenus, apporter les solutions pratiques à nos problèmes et de les restituer de manière accessible à tous.
Alors Diary Merci.
Jusqu’à présent le jury n’a pas terminé de délibérer…
Comments