PONCTUE SUR UN COURS D'EAU

Ephémère tel le trajet d’une larme sur une joue, la vie a ses virgules, tels des dos-d’âne, elles obligent de ralentir, revoir la vitesse, rebondir ; le point-virgule semblable à un feu rouge exige de s’arrêter et de contempler le vol du temps, poser le pied sur le frein, respirer, souffler, il annonce un point à l’horizon. Ce point, il est le terminus, on se gare ou on descend du transport en commun. Vois-tu, nos points sont pour d’autres des virgules, ou même la majuscule de leur phrase.

Je pars prier, au resto.

A tout à l’heure.

J’ai envie de continuer ma promenade avec toi, mais on vient de m’appeler pour le dîner, j’y vais à toute allure. A la mosquée. Je t’invite pour la forme, et sache que c’est pour la forme et ne viens pas.

Le chemin n’est jamais droit car le présent est imparfaitement conditionnel et la seconde qui suit est passée. Il est parsemé de cette nécessité subjective du subjonctif. Regarde ta montre.

On doute, on s’interroge, n’avons-nous pas une pléthore de questions sur soi, l’autre, le monde, Dieu, ses envoyés, ses livres, ce regard mystérieux, ce texte mal ponctué que tu lis ? Point d’interrogation.

Au buffet de l’étonnement, on en découvre des choses, repoussant notre ignorance, c’est souvent époustouflant, on s’exclame ! Ça clame, réclame, déclame sur les scènes de l’âme estomaquée ! Interloqué est ce point d’exclamation.

De l’eau s’il vous plaît !

Souvent on suit sa trajectoire, s’inspirant des autres qu’on met entre guillemets, il ne faut pas les copier, il faut les citer entre guillemets, qu’ils nous inspirent à faire mieux qu’eux. « La vie est beau, ça commence à viendrir, sourissons » disait l’autre.

La vie n’est pas juste aussi, l’apostrophe impose son impérialisme à ses voyelles innocentes et les élident. Chacun demande que justice soit faite oubliant que la justice est injuste, inéquitable et imparfaite. Elle existerait, l’homme dans sa toge cherche ses arguments nous laissant dans le suspens, nos respirations en suspension…Trois points de suspension. A la ligne.

Pouvez-vous répéter la phrase monsieur ?

-Non, je l’ai oubliée

.

En tout cas chaque vie est une dissertation, alors concentre-toi sur la tienne et ne perds pas de temps à contempler ceux qui rédigent la leur avec leur plan à la dialectique incertaine. Vous n’avez même pas les mêmes sujets.

Mais que nous sommes-nous ?

Je sais au moins que nous sommes de simples phrases dans l’encyclopédie d’un univers, ponctuées ou pas, les chapitres et les paragraphes continuent de s’écrire. Non, ils sont déjà écrits.

Je baille là…

-Pars dormir !

Je n’ai pas sommeil, j’ai juste un mot bloqué au coin de la nuque.

-Absurde.

Non, au moins c’est un rêve, une seconde vie. Il n’y a jamais un sans deux ; deux points : j’ai déjà ouvert les guillemets.

Patherson