Une prophétie numérique prend de l’ampleur et crée des technolâtres. L’Homme fabriqué et commandé, dans l’illusion d’une liberté, vénère des démiurges anthropophages. Sur la toile palimpseste, se superposent des hommes-machines et des machines-hommes. La machine est la clinique où l’homme trouve sa réalité ontologique, ses rêves, ses fantasmes, ses visages.
La technologie dépasse son statut de simple moyen, pour devenir esprit et chair. Elle est ce qu’Achille Mbembe décrit comme étant « la figure épiphanique du vivant ». Cette manifestation quasi-divine de la technologie sonne l’ère d’une croyance néo-païenne qui est le techno-chamanisme. Ce concept étant la rencontre entre la magie, la science et la technologie dans une symbiose religieuse.
Dans ce néo-paganisme, l’Homme tire sur un chapelet dont chaque perle renvoie à son identité fragmentée puisque le tissu social n’a de coalescence qu’autour du singulier, d’un individualisme à outrance.
Le combat de l’Homme en société était de choisir et/ou de concilier le masque imposé (celui que la société le prédestine à être) et le masque voulu (celui qu’il veut être, devenir).
Maintenant l’Homme est égaré entre les masques qui lui sont virtuellement fabriqués et un sentiment d’incapacité à se réinventer face aux discours eschatologiques.
L’homme est menotté par les produits de son propre esprit, un de ses combats de ce siècle sera de redécouvrir son humanité en remettant toute sa création à la place d’outils, et non à celle d’esprit, de chair, de fin. Que la magie confinée derrière les écrans serve de moyens pour nous faciliter la vie et non de plateforme où on cherche une essence qui est en nous.
Dans cette logique de fragmentation des identités, l’homme ne s’identifierait plus forcément à une « nation », ou encore une communauté qui a une réalité physique. L’homme fabriqué est attaché émotionnellement à des groupes virtuels. Le groupe WhatsApp de la famille prend plus son temps que la famille elle-même. Pour certains qui sont des collègues ou camarades de classes, au détriment de la présence humaine, tout se fait presque derrière le petit écran. La présence humaine est remplacée par la fibre, plus on se connecte, plus on se déconnecte de soi-même.
Alors, ne faudrait-il pas apprendre à être connecté à ce monde de la dématérialisation, de l’accélération, tout en prenant de temps de faire communion avec notre humanité, saisir notre essence subtile?
L'écran est un objet qui protège, qui interpose. Nous devons veiller à ce qu'il ne s'interpose pas entre nous et ce que nous sommes.
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