Je vous livre dans un style haché, peut-être le sentirez-vous, mon ressenti, mes ressentis par rapport à un souffle entier. Une expiration poétique complète qui, entre un « Qui suis-je » et le moment de se vider constituent un pont sur la vie, une randonnée en soi, dans les sinuosités formées par le « je », le « moi », l’ « autre », l’ « âme », l’ « inconnu ».
Qui suis-je ?
L’âme de mon encre ? Une bougie allumée ? Juste une poésie ? Face à cette interrogation existentielle le poète cherche à faire étincelle dans l’obscurité par un soupir de mots. Naître et souffler des bougies. Assumer une rencontre avec la mort. Cette mort qui consacre la vie telle une seconde chance, mourir pour mieux vivre, une vie que le poète imprime dans un livre bu, un poème lu, car ce mot est pour lui un élixir sacré. Ce sont les bouts de mots où il ressent son refuge, les réservoirs qui comblent son rien. Parfois la poésie fait du poète qui en fait un bouclier un incompris, qui, une fois face à la réalité, réalise que ses mots ont cassé des verres. Sans bruit. Heureusement, il a la grandeur de demander pardon. Heureusement il fait son introspection pour éclairer son coin obscur.
En vérité, ce « je » au milieu des sillons cherche aussi de l’amour pur. N’est-ce pas Innocente Dame. Ce poète veut aussi vivre sa passion dans une parcelle de temps.
Mais voyez-vous, la vie est souvent au conditionnel, c’est pourquoi Muwossa se demande si le présent réserve des couloirs inconnus à la mort. Il espère que le lecteur fidèle aura la force de s’abreuver de ces vers et de pouvoir le porter, s’envoler, avec lui, loin des angoisses intérieures. Il pansera peut-être la solitude.
Cette solitude que vit l’enfant abandonné, celui qui n’a pas choisi d’être le fruit de la cruauté d’un plaisir sans conscience.
La plume de Ressenti s’est aussi forgée sur la voie des maîtres pour vrombir tel un moteur de vie. Il écrit sur des écrits, réinvente l’inventé.
Les lignes sont jalonnées et brodées de la soie de soi, ce soi qui se cherche dans le « je » le « moi », le « corps » et surtout l’ « âme » cachée derrière son voile.
L’essentiel serait le simple fait de se réveiller et de marcher, avant l’heure du regret. En effet, la cadence la vie est irréversible.
C’est beau et cruel à la fois.
Entre l’épine attirante et le cynisme mielleux, vis-le, mais l’amour perdu peut être pire qu’un deuil. Le cœur peut-il même en retrouver un second souffle. Un ressenti envers la vie qu’il respire ? En tout cas, il y a tellement de preuves sur sa bienveillante cruauté.
Muwossa a eu le flair et l’engagement de crier et de parier pour la Mère-Afrique, ensuite tendre sa main de fils à la Mère, Maman initiatrice de premiers dires.
Dans ce recueil protéiforme, on sent les multiples vers de la poésie de la vie. Les rimes sensuelles, les figures chancelants, les mètres écorchés et les strophes attirantes. La vie simplement dans ses lignes droites et ses courbes. Il est. Elle est.
Carpe diem ! Ni hier, ni demain. Aujourd’hui.
Aujourd’hui ou jamais pour noyer le chagrin. C’est à vous, à nous, à elle, à lui. Éduquer à la vie, à vivre est une affaire de tous.
Un sentier qui fait découvrir une passion, un amour, une humanité. Un langage qui sourd vrai, car il sort du cœur. Ce cœur qui peut révéler le soi à soi et à l’autre. Le verbe peut être un masque donc il faut apprivoiser ses doublures pour partager sincèrement ses ressentis ; tels ceux ultimes.
Afin d’Etre l’autre aux yeux des autres pour devenir moi il faut être généreux avec les autres et flexible aux sinuosités de la vie.
Et pour faire place à l’âme sœur, il faut se chercher, se connaitre, s’accepter, pour mieux aimer. Avant la fin. Mourir sans regret avec des derniers partagés. Assumés.
Cette première partie est une laborieuse recherche de soi qui, loin de faire apologie à l’égo, parle d’amour de soi pour mieux aimer l’autre. Il ne faut pas le lire, il faut se faire violence, s’écouter jusqu’à saisir les palpitations sensibles des mots qui vivent discrètement sur la feuille. Bref, ressentir.
Il est l’heure de se vider.
Ici les textes sont plus longs, car l’auteur se connait, il devient alors libre et prend son envol. Il laisse libre court à son souffle et partage ses soupirs. Il bat de l'aile avec des mélodies qui s’abattent en interrogations aux alentours. Il invite à prendre la route, cette route où l’Homme est roué de coups, secoué, et il cherche toujours à se relever car la roue n’attend pas, il accélère.
Chaque vie est une roue qui roule dans la vie qui elle-même est une roue qui roule. Mais une chose encore panse la vie, l’amour. L’amour de toi et moi. « Toi dans mes rêves/ Moi dans les tiens ».
Hélas, toujours en se vidant, il faut savoir se fondre dans le nous, sans perdre son « je », prendre la pas vers la maturité. Assez mature pour être un Etre, rien d’autre qu’un autre, se voir en autrui. Ce n’est pas une question d’âge, mais les bagages qu’on porte comme un sage, précise l’auteur. L’équation se trouve dans la nécessité de trouver son soubassement afin de se donner des raisons de vivre. Le temps s’en va.
Ressenti aussi est un espace d’intermède où Muwossa cri et crée cet espace d’écriture, de déclamation, ces intermèdes qui assaisonne les événements de la vie.
Au lieu qu’elle soit morose, il en fait un rêve dans un rêve assumant son état de rêveur qui rêve en train de rêver dans un rêve. Quel rêve rêvé !
Ressenti se décline notamment en un doute constant, qui se réclame même avec le mot qui se déclame. Il tamise, et dénonce l’hypocrisie, la lâcheté, le délitement des mœurs, la perte des repères. Les maux mis en mots te diront.
Muwossa, se projette dans son présent au futur pour éviter la tragédie de l’artiste. Il ne veut pas être l’artiste après la mort, c’est pourquoi il décide de l’’être avant que ce qui adviendra soit. Il ne vit pas selon un titre, il vit une vie poétiquement. Généreusement, le poète a écrit pour nous.
D’ailleurs, dans tout le recueil, la ponctuation se fait rare et il n’y pas le point final, comme pour dégager les barrières, être vrai et proche du lecteur car il partage ses ressentis pour que nous ressentions mieux nos ressentis.
Patherson
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