top of page
Photo du rédacteurPatherson

Lettre à Martin Luther King

Cher grand-père

J’espère que l’Ange qui me servira de facteur vous trouvera facilement et dans les meilleurs auspices, enveloppé du voile lilial de la Miséricorde, loin du maelström de la colère divine qui hante les déviants. Amen.

Quant à moi, je me sens mal car le monde est affecté par la pandémie de la Covid-19. C’est une maladie infectieuse causée par le dernier coronavirus découvert. Le monde vit depuis six mois avec cette maladie, les frontières sont fermées, les êtres humains sont confinés et obligés de vivre en respectant une distance physique d’un mètre à un mètre et demi. Le bilan des victimes est très lourd, le monde compte plus de 6 millions de cas de contamination et 372 377 à ce jour[1].

Donc si vous accueillez par jour, dans l’au-delà, un nombre de personnes qui dépasse ce que vous voyez d’habitude, sachez que c’est à cause de ce virus.

Je me sens mal grand-père car en plus de ce virus qui étouffe le monde, le racisme continue de nous asphyxier. Cela doit vous surprendre, mais sachez que l’élection de Barack Obama, ne sonnait pas le glas des agissements contre les noirs. C’est pourquoi je vous écris cette lettre d’ailleurs.

Cher grand-père,

Il y a 57 ans, vous aviez prononcé à Washington, après la marche contre les discriminations raciales, un discours qui était votre rêve, ce rêve devenu celui de tous les noirs et de tous ceux qui aspirent à l’égalité des Hommes et qui résonne encore sur les murs de l’histoire.

Toutefois, jusqu’au XXIe siècle, ce rêve peine à s’ériger sur des fondations solides et inébranlables pour devenir le ciment qui unit les briques d’un monde multiracial. Aujourd’hui en 2020, l’humanité cherche encore des appuis et des remparts pour se hisser hors de ce vous appeliez les « vallées obscures et désolées de la ségrégation ».

Cette cloche de la liberté que vous désiriez tant entendre sonner du haut du mont Stone de Georgie, du mont Lookout du Tennessee, de chaque colline, de chaque butte et du flanc des montagnes, a joué les fausses notes de la haine raciale sur le bitume de Minneapolis.

Ce 25 mai 2020, Goerges Floyd, un noir américain de 46 ans a allongé la liste des noirs victimes de la violence policière. Une longue liste où gisent des noms de personnes ayant vécues des scènes filmées ou non. Vous étiez témoin vivant des racines de la violence raciale policière. Vous aviez vu les images de la police attaquant les activistes noirs durant la marche de la campagne de Birmingham en 1963 et celle de Selma à Montgomery en 1965. Malgré votre long et pénible combat que d’autres personnes après vous continuent de mener, aujourd’hui encore, un noir aux Etats-unis court 2,5 fois de plus qu'un blanc le risque d’être tué par la police[2]. Cela veut dire que dans votre pays, il y a plus de probabilité de se faire tuer par la police en tant que noir que de gagner un jeu de hasard.

A ceux qui vous demandiez quand seront satisfaits les militants des droits civiques, vous répondiez : « Nous ne serons jamais satisfaits aussi longtemps que le Noir sera la victime d’indicibles horreurs de la brutalité policière. ». Donc je dénonce en mon temps l’histoire de votre temps. Quel dommage de remarquer que la civilisation qu’on nous vend si cher ne rime pas avec le progrès de la condition humaine.


Portrait de George Floyd brandit pendant une manifestation à Détroit le 30 mai 2020-SETH HERALD, https://www.bfmtv.com/


Toutefois, l’espoir est permis. Une forte communauté noire et blanche s’est levée après cette épisode de violence pour réclamer la justice. Le monde qui lutte contre une pandémie n’a pas choisi l’indifférence face à cet acte de haine. Pour ceux qui ne sont pas aux États-Unis, ils ont suivi en direct les marches et montré leur soutien à tous ceux qui se battent pour la reconnaissance des droits civiques pour tous. Le hashtag #JusticeForGeorgeFloyd est relayé partout. Grand-père, hashtag renvoie à un mot clé formé par le # et un ou plusieurs mots permettant de regrouper l’ensemble des discussions et publications relevant d’un même thème dans les réseaux sociaux. Maintenant grand-père, on n’a plus de télévision en noir et blanc, on a des smartphones et des réseaux sociaux qui sont des plateformes virtuelles nous permettant de faire plusieurs choses, notamment garder le contact avec nos amis partout dans le monde et de suivre par exemple en direct, la marche en la mémoire de Georges Floyd. Le monde d’aujourd’hui est connecté grand-père.

Cher grand-père,

Ne désespérez pas, vous avez semé quelque chose qui motive encore des milliards de personnes à ne pas prendre les tranquillisants de l’attentisme. Votre combat, sans votre présence continue de créer des révolutionnaires et des héros dans la lutte qui vise la restauration de la dignité de l’homme noir. Avant que je n’oublie, dites à grand-père Malcom X que nous suivons encore ses derniers conseils formulés depuis l’Église méthodiste Corn Hill Rochester de New York cinq jours avant sa mort.

Nous ne serons pas contre un blanc, ni un noir ou une personne à la peau foncée, mais nous serons contre quiconque niera la dignité humaine d’une personne à cause de la couleur de sa peau. Nous nous battrons avec tous les moyens à notre disposition afin que notre couleur ne soit plus une chaine psychologique.

L’Organisation de l’unité Afro-américaine doit être davantage prise au sérieux car le destin de tous les noirs du monde, où qu’ils soient, est lié à celui de l’Afrique. Tant que l’Afrique cherchera une place dans le monde et sera regardée avec condescendance, le noir continuera à se battre pour être reconnu. La condition des noirs aux États-Unis ou ailleurs n’est pas un problème de l’homme noir, mais un problème humain.

Cher grand-père,

J’ai assez pris de votre temps, je voulais juste vider mon cœur et me ressourcer de courage dans votre parcours de combattant que vous avez mené avec hardiesse.

A la veille de votre voyage vers l’autre monde, dans votre allocution au temple de l’évêque Charles Mason à Memphis, vous disiez ne vouloir laisser derrière vous rien de superficiel, mais une vie de dévouement.

Je vous rassure, vous avez réussi à nous laisser un legs qui telle une braise fait piaffer le cœur de tous ceux qui gardent en eux la plus petite volonté de mettre fin à ce qu’il y a de plus honteux à raconter dans l’aventure de l’Homme. En tout cas, c’est ce que nous gardons de vous, et quand nous pensons à Martin Luther King, il nous vient l’image de celui qui est allé jusqu’au sommet de la montagne pour la liberté de l’Homme.

Paisible repos.

Patherson

[1] COVID-19 Dashboard by the Center for Systems Science and Engineering (CSSE, https://coronavirus.jhu.edu/map.html [2] Le Figaro avec AFP, États-Unis : les Noirs sont les plus susceptibles d'être tués par la police, selon une étude, https://www.lefigaro.fr/international/usa-les-noirs-sont-les-plus-susceptibles-d-etre-tues-par-la-police-selon-une-etude-20190805

100 vues2 commentaires

Posts récents

Voir tout

2 Comments


Patherson
Patherson
Jun 01, 2020

Merci beaucoup alassane

Like

alassane1874
Jun 01, 2020

merci🙏🏿 l'écriture est incisive, puissante et belle.

Like
bottom of page