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Le "masla" est l'opium du peuple


Et c’est l’exclamation de la désolation, au milieu de la clameur, on ne pose guère les bonnes interrogations, ça twitte et on pleure au rythme des émoticônes, consolé par les #hashtags, juste pour quelques heures, un ou deux jours, et on remet cette blessure aux oubliettes, dans la poussière des placards de la négligence, de la passivité. Et revient la routine. Dorlotés sommes-nous par nos médias qui nous forment en « Marketing de la désolation numérique ». Même nos blessures sont publiées et commentées à chaud sans jamais être pansées et pensées avec toute la distance qu’elles requièrent.

Les victimes et leurs familles continuent à être les seules perdantes de l’histoire, indolemment accompagnées vers leur dernière demeure par des RIP.

Pourquoi tout d’un coup les sénégalais remettent sur la sellette le débat sur la légalisation de la peine de mort ? Pourquoi nous attendons une telle tragédie pour poser une question dont la résolution exige de la lucidité, de la mesure, de l’analyse, du calme ?

On ne décide pas dans la peur, dans la frustration collective. Hélas, à côté de la plaque sommes-nous passés.

Il y a une lecture que je fais quand même autour de la résurgence de ce débat. En effet, la légalisation de la peine de mort n’est pas le vœu cher que les sénégalais souhaitent ajouter à l’ossature de leur jurisprudence, mais en réalité, derrière les lignes du débat, il y a juste une chose qui frappe : la société a cumulé moult blessures impardonnables mais sur lesquelles, on a très vite baissé les yeux, et étouffé les voix. Alors, à propos de la peine de mort, j’entends juste une société qui réclame la nécessité de mettre en place des mesures sévères pour dissuader les fautifs. Trop de « masla » nous mène à l’impardonnable faute de pardonner l’impardonnable.

Donc le vrai débat n’est pas autour de la légalisation ou non de la peine mort. Mais seulement faudrait-il prendre en compte les réalités sociologiques de notre pays et voir ce qui se passe dans d’autres contrées pour prouver avant de continuer, l’inefficacité de la peine de mort car ne permettant pas de diminuer le taux de criminalité.

A ce propos, aux Etats-Unis, le taux moyen d’homicide est de 5,71 pour 100 000 habitants pour les Etats appliquant la peine de mort, et de 4,02 pour 100 000 habitants pour les Etats ne l’appliquant pas[1]. Se limiter à cette assertion et comparer ces Etats à notre pays seraient une approche bien simpliste et c’est ce qui nous pousse à renchérir sur le fait que ce serait bien aberrant de combattre le sang par le sang surtout à une époque où l’Homme, plus que jamais, cherche à s’accorder avec lui-même, à rencontrer son idiosyncrasie.

Quant à la peine de mort au Sénégal, je pose juste une question pour en terminer. Comment une société caractérisée par une longue tradition de justice sociale pour éviter de régler la plupart de ses conflits devant le tribunal, va être prête à voir ses membres pendus, électrocutés, ou empoisonnés pour la justice ?

En vérité, « la peine de mort » qui figure sur tous les articles et sort de la bouche des intervenants n’est rien d’autre que l’expression du motif d’un sanglot collectif qui ruissèle, dénonçant une injustice. Mais je ne crois pas que le Sénégal soit prêt à aller jusqu’au bout avec cette volonté.

Toutefois, la société sénégalaise doit exorciser sans états d’âmes ses démons intérieurs. Il est temps de briser ces silences coupables au lieu de continuer à briser des vies d’innocentes. Pour ne pas diviser des familles et des voisinages, voilà que sur nos sociétés pèsent un lourd couvercle de culpabilité partagée. Si c’est le prix à payer, payons pour ne pas multiplier les victimes, ne plus souiller la dignité de personnes qui rêvent d’écrire leur histoire.

Au-delà de ces slogans qui ordonnent que toutes ces exactions contre les femmes s’arrêtent, il faudra bien des mesures plus drastiques comme une police des Mœurs chargée de mettre hors d’état de nuire ces animaux qui ne voient en ces dignes dames autre chose qu’une merveilleuse humanité.

Il y a une justice à rendre, de manière sévère, pour une fois, enfin une décision exemplaire pour qu’on puisse espérer un point final à cette phrase de cynisme qui s’écrit sur la page d’une société qui dilue son encre à l’eau de la Téranga.

Mais l’Etat aussi doit admettre et assumer ses prérogatives. Sur ces cas de figure, on a besoin d’un Etat fort, de cet Etat au-delà des personnes, qui connait sa force légitime et est représenté par des individus assez courageux pour user de cette force. Il y a en effet des choses qu’un individu sain d’esprit ne doit pas oser faire dans un pays où il y a une justice. Violer une personne et la tuer est un acte qui ne doit même pas frôler l’esprit d’un être normal. Je plaide pour une sanction inflexible, draconienne, âpre. En réalité, une minorité a bénéficié de l’effet de la médiatisation, mais combien sont-elles à être tuées, leur cadavre pourrissant au coin d’un marché dans un silence plat ? Parfois, dans des états de décomposition avancée, les sapeurs-pompiers les inhument dans l’anonymat sur autorisation du procureur. Triste sort !

Mais, prenons le temps d’y réfléchir plus sérieusement, loin du cafouillage que proposent les réseaux sociaux, les émissions de télévision, et autres médias de masse, car je ne vous apprends rien : « la foule ne réfléchit pas ». Si on laisse les émotions pendre l’esprit critique et l’intelligence, on votera certainement pour un suicide social.

Patherson

[1] La non-efficacité de la peine de mort, www.alterjustice.org

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