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La Tigresse du barreau

Au début, la société lui a imposée d'endurer, de ne pas divorcer, de ne pas pleurer, de juste subir en silence, pourquoi ? Dieu est Grand. Mais on le sait! Pourquoi? Pour sauver le nom de la famille, pour que les parents ne baissent pas la tête dans le quartier. Vraiment? Ensuite, elle a appris à faire de ses cicatrices des trophées qu'elle célèbre en silence et dans l'obscurité. Elle a appris à faire de son amertume un lot de sourires derrière lesquels on ne sent même pas les séquelles de sa peine. Elle a laissé ses sanglots ruisseler à l'intérieur et a gardé sur son radieux visage, que de la douceur.

Elle n'avait plus à prouver qu'elle est forte.

À 32 ans, elle préfère rester dans la maison conjugale pour ses enfants. Seulement. Mais elle n'en peut plus d'être en couple pour être martyrisée. Elle n'en peut plus de consoler ses enfants qui pleurent pour l'avoir vu pleurer. Elle n'en peut plus de penser à son mari et de voir l'image d'un bourreau. Ce dernier dont il était éperdument amoureux.

Le déclic a été de se rendre compte qu'elle n'était pas seule dans ce calvaire. Chacune panse son mal à sa manière. Certaines pleurent de l’intérieur ou laissent les larmes chaudes arroser leurs joues, d’autres plaident et dénoncent espérant faire entendre leurs voix. Elle décida alors pour elle et pour les autres, de s'inscrire en première année de droit. A 18 ans, elle rêvait de se marier. À 32 ans, elle rêve de devenir avocate.

Malgré les menaces de son mari qui lui disait qu'elle risque de faire sa carrière d'avocate dans sa tombe à plaider pour des squelettes, malgré les regards pesants des passants qui la prenaient pour une étudiante trop âgée, elle a tenu à avancer pour elle, et pour les autres. Elle a découvert dans le Droit ses droits, mieux, elle saisit l’idée que cette question dépasse le genre, elle est humaine. Elle comprit que ni la religion, ni la tradition n'acceptent les violences faites aux femmes, et les auteurs de ces crimes sont justes des cinglés. Pour elle maintenant, il ne faut plus boire les pilules de l'attentisme et les tranquillisants de l'indifférence, il faut agir. Diplômée en droit, elle ouvre son cabinet d'avocat et se spécialise sur la défense des victimes de violences. Pour l'avoir vécue elle-même, elle ne défend pas avec les articles juridiques des protocoles et conventions, mais elle cite les chartes que lui dicte son cœur. Elle parvient avec ses mots à faire sentir à son audience les coups et la souffrance que les victimes traversent. Avec sa voix, elle imprime sur le cœur des juges la galère de ses clients.

Elle est devenue la « tigresse du barreau ». Les coupables de ces violences la redoutent, elles ne savent même pas qu’ils l’ont créées eux-mêmes.

Avec passion et endurance, elle a trouvé l’amour qu’elle a perdu dans son métier et revit par le simple fait de redonner espoir, de redonner vie à des plantes qui fanent, et d’envoyer des fous-furieux en potence.

Elle menait son combat jusqu’ au jour où elle reçut sur sa table, le dossier d’un homme victime de violence conjugale. Cet homme était très vite la risée des autres avocats qui le traitaient de faible.

Et c’est la tigresse du barreau qui va prendre son dossier. Pour elle, l’homme n’est pas toujours un bourreau. La femme n’est pas toujours victime. L’homme et la femme sont des êtres humains capables du meilleur comme du pire. Il nous faut partir de cette humanité là, pour construire une société plus admirable. Mettre tout le monde dans le même sac crée des clivages, des radicalités, et pose le curseur là où il ne doit pas être.

Les têtus continuent, mais elle, plus que jamais, est déterminée à les esquinter, les déglinguer, les démantibuler. Froidement.

Au suivant...


 
 
 

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