Encore une fois, cette crise que nous traversons contribue largement à agrandir les failles de la chaîne de nos politiques publiques et les conséquences de la négligence des choses très souvent dénoncées, mais jamais réglées sérieusement avec des solutions durables.
Je vais juste prendre ici deux cas précis avec des exemples concrets: le transport public et le système éducatif en évoquant les failles des curricula. L'offre du transport public est très en deçà de la demande. Les politiques publiques dans ce domaine sont lancées sans prise en compte des effectifs au niveau de la demande et de l'évolution de celle-ci en raison de l’accroissement de la population. On peut attendre un bus pendant 30 minutes, et il arrive toujours surchargé. Si j'attends un bus pendant un certain temps, plus la durée du trajet elle-même, en plus des embouteillages, on se rend compte que se déplacer à Dakar relève d’un parcours du combattant.
En parlant des embouteillages, on a toujours dénoncé les bouchons monstres causés surtout par le non-respect du code de la route et l'étroitesse des voies entre autres. Par exemple, le trajet des Parcelles Assainies unité 18 à l’arrêt de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar peut se faire entre 10 et 15 minutes dans les normes, mais si 18h vous trouve à l’arrêt de l'université pour rallier les Parcelles Assainies, vous faites facilement 2h de temps.
Il y a des personnes qui vivent cela, ou ne parviennent même pas à avoir une voiture vu le contexte actuel et sont obligées de marcher. Naturellement, 20h les trouve dehors, avec leur fatigue et leur faim. Dans cette situation, des écervelés en uniforme, sans même leur laisser le temps de s’expliquer, les frappent. Les forces de l'ordre devraient avoir plus de reparti et de recul dans leur manière de faire respecter les décisions prises et exercer leur métier avec plus d'humanité. Encore faudrait-il qu’elles comprennent que leur présence devrait inspirer la confiance et un climat de stabilité et non de la terreur. Parmi ceux qui se retrouvent dans les rues à 20h, il n'y a pas que des personnes de mauvaise foi. Quant aux jeunes qui se permettent de sortir pour jouer avec le feu, je ne pense même pas qu'il faut convoquer la notion de « droits de l'homme » pour les couvrir. Les droits de l'Homme servent à protéger des êtres humains et non des êtres humains en apparence et qui se comportent comme des animaux. Le comportement des forces de l'ordre envers les populations a souvent suscité de l'indignation sans pousser les autorités à s'interroger sur leur formation et sur leurs vrais rôles ainsi que la manière dont ils doivent exercer leur métier. Leur doctrine d’emploi n’est jusque-là pas bien maîtrisée. Les cas de figure où des policiers ou gendarmes manquent de respect aux automobilistes sont nombreux et leur manière de gérer les grèves des étudiants a souvent prouvé leur limite et leur manque de professionnalisme. On se rappelle encore le cas Fallou Sène. Les plaies du monde universitaire ne se sont pas encore cicatrisées. Que la terre lui soit légère. Donc les forces de l'ordre, au lieu d'être les alliés des populations passent pour des facteurs de perturbation, elles sont les figures qui dérangent. La preuve, au défilé du quatre avril, quand les policiers passent , ça hue, quand les sapeurs-pompiers passent, ça applaudit. Ce n'est pas anodin. Par rapport à l'éducation, c'est un système qui est essoufflé depuis longtemps. Mais à chaque fois que la crise frôle la catastrophe, on appelle les chefs religieux pour qu'ils s'adressent aux grévistes, et grâce à cette astuce, on sauve l'année scolaire. Depuis 2012 ou même avant, on ne fait que sauver des années, car au lieu de régler les problèmes, on les diffère, et le rendez-vous est donné avec le même problème l'année suivante. On ne peut pas avoir un système éducatif performant si les enseignants sont frustrés, font leur travail en se sentant mal respectés. On ne peut pas avoir ce qu'on espère de l'éducation si ces autres héros de l'ombre voient leur sacrifice piétiné, dévalorisé, mal considéré. Craie en main , ils écrivent les leçons de l'ingratitude de la société pour laquelle ils ont grandement contribué à l'éducation. Hier, deuxième jour du couvre-feu, on a vu des jeunes défier l'autorité en sortant dans les rues au-delà de 20h. Les racines profondes de cette inconscience sont à trouver dans le contenu de nos enseignements à l'école primaire et dans l'éducation dans les familles. On n’enseigne plus la morale et l'éducation civique à l'école primaire. Partant, on ne pourrait pas s'attendre à ce que les jeunes soient des exemples de citoyenneté et des champions en civisme. Encore une fois, cette pandémie nous sert bien de loupe pour voir, sans moyens d’esquiver, les dégâts causés par toutes les nécessités négligées dans l'organisation de la vie publique, dans le traitement des urgences et dans la construction du type de sénégalais que nous voulons.
Espérant que tout cela se termine très vite, vivement que l'après Covid soit le temps de tirer les bonnes leçons et de prendre les décisions adéquates et dans des délais convenables. A bon entendeur, tout est à soigner....
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