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L'Afrique dans l'énigme démographique face à l'absence de repère

393,215,404. En le voyant juste, tu sais qu’il est énorme. Imagine le monstre qu’il peut devenir une fois multiplié par deux, s’il n’est pas dompté, dressé, apprivoisé avec intelligence, avec une projection habile dans le futur et une rigueur sans faille. Ce chiffre représente la population de l’Afrique de l’Ouest en 2019.

Et effectivement, il est estimé à 800.000.000 d’habitants à l’horizon 2050.

L’on s’est souvent hâté d’en faire la force vive du monde dans le futur.

Sans verser ni dans le catastrophisme couard ni dans l’utopie gratuite, la rigueur d’une prospective sérieuse fondée sur des données actuelles nous imposent de faire attention.

Je me suis promené dans la banlieue dakaroise pour observer par moi-même et ne pas être pris dans la glose des chiffres autour du défi de la démographie.

Sur une distance de cinquante mètres, il y a des quartiers où je compte une trentaine d’enfants âgés de dix ans au maximum laissés à eux-mêmes, leurs mères trop occupées à chercher de quoi assurer la survie de la maisonnée. D’ailleurs, l’âge moyen dans la région ouest-africaine est de 17 ans. Cela veut dire que plus de la moitié de la population de l’Afrique de l’Ouest n’a pas atteint la majorité.



Avec nos systèmes éducatifs en béquilles et la raréfaction des ressources alors que la population augmente, la pression démographique risque d’être un condensé atomique dont l’explosion ne pourra pas être contenue par aucune compagnie de sapeurs-pompiers. Exagération à part. Blague de côté.

Les saisons de pluie s’écourtent alors que les pluvioimétries baissent de manière drastique, combinées aux inondations. Selon la revue spéciale de Géo-Eco-Trop, les catastrophes naturelles comme les sécheresses et les inondations ont affecté plus de 34 millions de personnes sur l’ensemble du continent africain dont 19 millions en Afrique de l’Ouest. Ces précisions concernent une région où 60% de la population dépend de l’agriculture pluviale.

Vu l’absence de politiques de prévisions alliant une bonne production, gestion et distrition des ressources et l’augmentation de la population, il devient un pléonasme de dire que les temps à venir seront estampillés du sceau d’une précarité âpre et la recrudescence de zones très sensibles à des tensions (tension entre éleveurs et agriculteurs, la course à la propriété foncière, et des conflits frontaliers pour l’accès et le contrôle des ressources.)

Cette même étude révèle que le Sénégal est un pays très vulnérable car une bonne partie de la population est dépendante du secteur de la pêche car, avec ses sept cent kilomètres de côte, les bancs de poissons migrent vers d’autres eaux à la recherche d’un climat marin favorable. Cette nouvelle situation est une cause de plus, qui favorise l’immigration clandestine.

La population grandit, les ressources diminuent, ces vecteurs s’entrechoquent dans un contexte où nos pays n’ont aucun sens de l’urgence et de l’anticipation car les décideurs n’ont aucune vision.

Ce qui me fait peur c’est cette jeunesse qui évolue avec des systèmes éducatifs en asthénie et par conséquent non formée à réinventer les paradigmes, à avoir l’intelligence de l’innovation pour sortir de ce gouffre, et dont l’idéal se limiterait à être comme des personnes que je n’aimerais même pas citer le nom. En tout cas, ils sont sur les scènes, occupent les réseaux sociaux, et on ne peut rien apprendre de sensé chez eux. Suivez mon regard.

Ce qui me fait peur, c’est ce peloton d’intellectuels ayant déserté, car le diagnostic fait tellement peur qu’ils préfèrent s’éloigner de ces plaies qui saignent sous ces phénomènes qui déchirent tels de pointus pieux.

Ce qui me fait peur, c’est que beaucoup de ces jeunes risquent de ne pas trouver un sens à leur vie, alors ils le trouveront dans la mort en devenant des gangsters, des djihadistes, des terroristes, faisant de nos villes des capitales de l’insécurité, des ghettos pour l’insanité, des scènes de concert pour la survie au prix du cynisme.

Toutefois, s’il me reste un brin d’espoir dans ma boîte avant que s’assèche mon encre, je pense que l’assainissement du système éducatif (avec la réinvention des pédagogies, l’initiation à la créativité, et la modélisation d’une nouvelle figure de la réussite qui ne sera pas « avoir un diplôme et être embauché », l’adaptation des curricula à nos défis et réalités) reste le levier qui pourrait nous sauver de l’échafaud.

La jeunesse doit aussi avoir des repères et références capables de lui montrer le sens de la lumière, sinon, laissée à elle-même, elle s’en fabriquera d’aucuns qui l’abrutissent, la rendent animale, faisant ainsi de la mission que lui rappelle Frantz Fanon, qu’un vil chiffon que même les plus misérables ne voudront hériter.


Patherson

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