Peut être aurais je fais l’erreur de poser l’orchestre de mes idées sur le proscénium de la raison. Au fond de moi ne tintinnabule que des sons mal accordés, ne me percute qu’un rythme dégingandé, et là le parfum qui embaume est nauséabond.
En effet, dans les labyrinthes alambiqués où je me cherche, où je poursuis le mystère d’un moi lointain, imaginaire, obscur, je n’ai trouvé qu’une collection d’impressions, pas une unité. En cherchant à écrire avec moi les premiers mots de la gigantesque phrase de ma vie, la société n’a pas utilisé le bon alphabet, la ponctuation est mal appropriée car on y butte comme sur des dos d’ânes non signalés. Et maintenant ?
Certaines questions lorsqu’elles sont bien posées sont de vraies fabriques de migraines. Je ne garantis pas assez d’aspirine pour vous calmer mais il m’urge de les poser. « Désespoir de la raison » ou « position du néant » tant pis pour moi.
La construction critique véritable est elle possible dans ces canevas d’une logique de la ressemblance et de l’uniformisation ? L’individu n’est il pas une utopie de l’Idée quand on sait que par un pur jeu métaphysique on le laisse dans la suprême illusion de croire qu’il est en soi une unité en harmonie réelle ? Trop attaché au vocabulaire du politiquement correct, du sémantiquement éloquent, du moralement bienséant le langage n’est il pas en soi utilisé dans un sens où il sert à travestir notre peur de poser les vraies questions ? Lorsqu’on se retourne vers soi et qu’on ne saisisse qu’une collections d’impressions, n’est ce pas là un délire égocentrique ?
Si avez déjà des maux de têtes arrêtez le marathon tout de suite. Si les vrais débats se terminent toujours en queue de poisson c’est parce que nous avons peur de nous interroger. Lorsque la terre et le ciel se confondent, et que sur la table rase on cogne l’infrangible mur de Planck, et qu’on réalise que pour la société tout semble clair alors que tout est sombre, on a raison d’avoir peur car en cherchant à connaitre le vrai dans toute sa pureté, on passe pour le paria.
Maintenant, dessinons à grands traits les chemins menant vers cette peur d’exercer la pensée critique. D’abord lorsqu’on définit l’homme comme un être de raison, on rencontre immédiatement une difficulté dès qu’on s’intéresse à celui qui l’a perdu. Mais le spectacle de l’histoire n’a fait que montrer son invalidité car étant tout simplement la justification de ce que le groupe croit être normal, l’instrumentalisation au profit des actes les plus ignobles à justifier moralement. De plus elle nous égare plus qu’elle nous édifie sur des questions qui donneraient un sens à notre existence. Ensuite on rejette celui qui s’interroge car il est celui qui trouble l’ordre. La société crée ses fous dans les personnages de ceux qui pensent autrement. Les victimes ne sont pas des sujets à étudier mais des êtres à enfermer.
J’ai compris cela et si c’est ça être fou, j’accepterai d’être le fou du village car en passant pour l’anormal ; je ne serai plus en réalité de ces anormaux que la société crée en élevant sur le piédestal du normal et les laisse dans l’illusion du « normal anormal ». Les vrais savent. C’est le prix à payer pour être libre. Après tout je remarque que la horde est aveugle, inculte et amnésique.
Toutefois, ne tombons pas dans les pièges où notre scepticisme devient une démarche qui part d’un idéal de vérité trop élevé et qui aboutit à nier toute vérité réelle à cause de cette référence à un critère utopique. Ainsi est on conduit à ne plus rien affirmer qu’une impuissance à affirmer quoi que ce soit. Judicieux alors de rappeler que devant la Vérité, la pensée critique n’est que poisson sur le sable.
Donc notre scepticisme n’est rien d’autre qu’une aptitude à douter, il désigne une certaine lenteur dans le jugement, une certaine distance critique dans la réception des rapports qui nous sont fait, une méfiance craintive ou une circonspection avant de croire. Si on comprend cela, l’exercice nous mène vers une autre vie. Un engourdissement nébuleux saisit notre pensée et nous ne saisissons pas le moment précis où le moi sous une autre forme continue l’œuvre de l’existence. On sent autonome ; capable de conjuguer le verbe réfléchir au temps de la conscience libre, à la personne du jugement objectif avec les terminaisons de la clairvoyance intellectuelle.
Je m’interroge et je m’interroge.
Je me suis interrogé jusqu’à ce que l’interne de mon égo me ronge, je m’interroge et le psychique intérêt que je m’arroge se déroge. Tant pis si je passe pour le fou. Tant pis si je passe pour l’incompris.
L’Essentiel, je ne regarderai plus pour ne rien apercevoir, je ne toucherai pour ne rien saisir, point je n’écouterai pour ne rien entendre.
Dans le SILENCE DES RIMES l’idéologie ne sera plus molle, le scepticisme ne sera plus vague et la conviction à jamais soutenue.
Patherson
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