Du bizarre au stylé, malléables nos habitus…
- Patherson
- 23 avr. 2020
- 3 min de lecture
A chacun son accessoire incontournable dans son arsenal vestimentaire. Pour certains c’est la cravate, pour d’autres, une écharpe, ou encore un foulard, une montre ou même un chapeau. Là aussi, les goûts et les codes ne se discutent pas.
Derechef, dans cette capitale, les « baye lahats » tout comme les « niatti abdous », les caftans, ainsi que les tailles basses et les camisoles, en passant par les grands boubous, les costumes et les chemises, sont tous assortis d’un…masque.
Au départ, c’était une mesure de prévention, et j’y sens aujourd’hui une subtile réinvention et/ou adaptation de la mode. Oui, certains se font le malin plaisir de marier les couleurs de leur chemise à celle de leur masque, parfois ils y floquent un logo ou marquent leurs initiales.
Pourtant, il n’y a pas longtemps, si vous vous promeniez avec un masque dans la rue, si vous n’êtes pas un éboueur, un sapeur-pompier en intervention ou autre métier nécessitant le port du masque, vous attirerez les regards dont les expressions vous diront clairement : « eh , vous vous croyez où ? ».
Cela veut tout simplement dire que le bizarre, le particulier, l’inconvenable, font très souvent sens selon les contextes. Ce sont des qualificatifs conditionnés par les circonstances.
Nos cultures au pluriel pour ne pas dire nos habitudes collectivisées en tant qu’un ensemble lié de manières de penser, de voir, d’agir et par conséquent de voir et de projeter ce que nous sommes sur l’autre sont très relatives, même par rapport à ce nous pouvons devenir demain.
En termes plus clair, ce que nous pensons concevable ici, peut être inconcevable ailleurs, mais ce qui est plus surprenant c’est que, ce qui pourrait paraître bizarre il y a quelques jours sous nos yeux, devient par concours de circonstances une mode. Bien accueillie avec créativité…
Nos modes de vie, en dehors même de situation de ce genre, sont vraisemblablement très malléables. Il suffisait par exemple qu’un Waly Seck ou une Rihanna fassent un concert en portant un masque sur scène, pour que cela devienne une mode dans les cours de nos lycées et universités. On se rappelle le fameux sac…
Autant dire que nos manières d’être nous-mêmes et d’agir comme nous agissons résultent de notre insertion dans une société qui nous sociabilise, mais cette ossature de valeurs sous plusieurs influences se modifient, s’adaptent, peut être évoluent ou se désacralisent. L’habitus bourdieusien entre héritage et influence extérieure.
En savourant ce spectacle de nos rues qui changent de décor sous « l’effet masque », je rencontre à la station deux enfants âgés au plus de dix (10 ans). Ils se sont trouvés un travail qui payent bien dans le contexte : ils vendent des masques. Des masques en tissus, ou comme ceux qu’on trouve dans les pharmacies. Des masques dans la main gauche, et une sacoche tenue par la main droite. La clientèle passait régulièrement, choisissait un masque, payait, parfois prenait une monnaie et s’en allait. Ils faisaient leur compte avec une belle insouciance. Ils n’avaient mêmes pas eux-mêmes en tant que vendeurs, portés des masques.
Covid-19 a supprimé temporairement des emplois pour en créer d’autres temporairement. Il est un peu juste sur ce coup.
Parmi toutes ces scènes, Ousmane et Astou sont de ces personnes dont les nouvelles habitudes ont aussi transformé leur regard sur le monde. Sur ce qui les entoure. Astou a toujours eu le cœur qui bat la chamade à chaque fois qu’il voit Ousmane. Mais Ousmane l’a toujours ignorée. Pourquoi ? Faisait-il le malin ou ne l’aimait-il pas en retour simplement ? La beauté d’Astou était-elle en dessous de ces attentes ? Avait-elle fait une chose à cause de laquelle une probable estime d’Ousmane en elle aurait pris un coup ? Je ne sais pas. Mais l’amour à ses déraisons que la déraison ne comprend pas !
Cependant, le temps de Covid a donné raison à la patience d’Astou. Aujourd’hui c’est Ousmane qui est fou d’Astou depuis la dernière dois qu’il l’a vue porter un masque. Mais quel rapport ? Selon Ousmane : « Astou est devenue plus belle avec le masque, peut-être aussi c’est l’effet du confinement ».
Je pense que le masque a porté un coup esthétique à certains ; ou nos yeux confinés nous jouent des tours.
Pour déclarer enfin sa flamme, Ousmane a une idée géniale. Il a envoyé hier soir à 19h45 un bouquet de gel hydro-alcoolique et deux masques en tissu sur lesquels il a mis les initiales de la bienaimée. Au moment de quitter, il faisait déjà 19h55mn, et Astou se faisait des soucis pour son nouvel amant longtemps aimé, en lui disant qu’il est bientôt 20h. Avec les yeux pétillant d’amour, heureux comme un guéri du coronavirus, il rétorque : « Pour toi, je suis prêt à encaisser tous les coups des policiers ».
Il était 19h59mn.
A suivre…
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