Aujourd'hui, je ne ferai pas d'analyses politiques, je ne m'encombrerai pas de cours magistraux sur la science politique, ni de concepts savants pour désigner ce qui se passe dans mon pays.
Je vous raconte des histoires de gens comme moi. Des histoires vraies qui donneraient d'autres regards sur ce qui se déroule sous nos yeux.
Je connais Gnilane. Elle habite aux Parcelles Assainies, collégienne en classe de quatrième, elle va à l'école le jour, et vend du "Cere" (lire Thiéré) pour sa mère le soir.
Depuis quatre jours déjà, Gnilane ne va pas à l'école. Elle ne peut pas sortir le soir pour vendre non plus.
Pourtant, avec ce cere, sa maman entretient toute la famille, paye les inscriptions et achète les fournitures.
Gnilane, m'a confié qu'elle veut devenir ingénieure en informatique.
Mais je vois tout son désespoir. L'école est fermée. Et elle ne fait plus de recettes.
Je connais Paco et Findifer, ils ont respectivement quatorze et seize ans. L'un est mécanicien, l'autre vend des ferrailles.
Paco et Fel m'ont dit dans une petite discussion qu'ils ne comprennent rien de ce qui se passe, mais le président est vraiment insouciant s'il laisse les gens mourir pour le pouvoir. Moi, je veux juste deux cent pour acheter "cent farans cere, cent farans meew" mais "tay dafa dëgër, liggéeyu ma sax" confia Paco.
Tu sais moi, j'ai des amis de tous les âges. Parmi eux, il y a Pa Ndiaye, plus jeune, on l'appelait Pa Allemand. On a grandi, et il est devenu un grand ami, un conseiller. En faisant sa promenade, les bras croisés sur son dos presque courbé, avec son chapelet, il me dit: "fils, moi, il ne me reste plus beaucoup sur cette terre. Je voulais juste partir avec la certitude que ce pays est entre de bonnes mains. Si je pars avec cette assurance, j'aurais déjà avec moi, un bout de paradis. J'ai fait toutes les grandes contestations de ce pays depuis 63. Mais un tyran assoiffé est en train de nous montrer que nous nous sommes battus pour rien. Je souhaitais à mes petits-enfants de grandir et ne jamais voir ce Sénégal en lambeaux.
Je me connais aussi. Je m’impose la rigueur de respecter les institutions. Mais hier par déception, je me suis adressé à vous de manière non conventionnelle. Je m' excuse.
Monsieur le président de la République, ces personnes sont déçues et à travers leur voix, on entend que ce qu'elles veulent est simple: ne jamais cesser d'espérer.
Et quand on incarne plus cet espoir, rendre service à la démocratie consiste à partir, servir autrement.
Gnilane demande juste de pouvoir regarder l'horizon et continuer à croire que son rêve est un possible qu'elle rencontrera quelque part.
Paco et Findifer veulent juste se réveiller et savoir sourire aux premiers rayons de soleil grâce à la promesse du cere ak meew du soir.
Pa Ndiaye espère que ses petits-enfants voient le Sénégal pour lequel il s'est battu avec beaucoup de vaillants sénégalais.
Moi, je veux continuer à avoir des raisons de respecter l’institution que vous incarnez et de garder l’élégance du poète quand je m’adresse à vous.
De vous, nous attendons un peu plus de hauteur pour ne pas boucher un horizon, ne pas mettre du sable sur un bol de cere, ne pas planter une graine de désespoir, ne pas faire d’un vers une posture insultante.
Saviez-vous aussi que l'indifférence est un poison? Saviez-vous qu'on regarde devant pour savoir rêver?
Bravo Pathé, tu as bien résumé la situation. Ce qui se passe chez nous ne résulte que de la faute d’un individu qui se rêve Mobutu.