Crise de leadership et crise des sens.
La crise du leadership à laquelle nos populations font face et subissent étend ses tentacules et le mal va très loin dans la mesure où elle crée de nouvelles tendances qui sont prises malheureusement comme des alternatives au vide. Cette tendance concerne l’émergence de nouveaux porteurs de voix qui, en occupant le vide, prétendent guider le peuple vers une solution qui est pour le moment partielle et éphémère souvent.
Lorsque les repères sont confondus et que les modèles ont assez déçu, c’est normal qu’ils trouvent aisément écho à leurs propos. Les idoles ont failli, les masques sont tombés !
Les politiciens ne valent plus rien face aux populations. On prend leur discours comme des séances de récréation et un fond pour alimenter les contenus de tic-toc.
Malheureusement, cette crise traverse tous les continents. Du Trumpisme dans le rêve américain au macronisme sur les champs Élysée en passant par le Président devenu maréchal pendant que les terroristes hantent son pays, beaucoup de peuples du monde cherchent aujourd’hui la vraie personne qui puisse véritablement porter leurs aspirations plurielles. En attendant, dans leur égarement, des dirigeants font leur bamboula…
A propos du cas de l’Afrique, les résultats d’un sondage d’ afrobarometer sur le niveau de confiance des populations envers les leaders élus ne surprennent guère. Les 34 pays concernés dans ce sondage permettent de montrer que 69% des populations ont confiance aux guides religieux, et 57% aux chefs traditionnels[1]. Ces chiffres, qui sont juste à titre illustratifs, permettent de voir que la confiance se construit par le bas désormais. Dans un pays comme le Sénégal, les chefs religieux, les influenceurs et les activistes sont plus suivis et plus écoutés que les autorités politiques.
La nature ayant horreur du vide, ce sont les activistes qui viennent occuper la scène et attise le débat sur la question de l’autodétermination de nos pays. Face à une jeunesse désœuvrée, désorientée, frustrée, leur discours trouve aisément du répondant.
Ils sont utiles en tant que des lanceurs d’alerte, des garde-fous face à la gestion des biens publics, mais ils gagnerait sur les questions concernant nos équilibres géopolitiques d’avoir un discours plus prudent et basé sur des connaissances. Le discours activiste est un discours alarmiste, de revendication, de réclamation et mène à la confrontation. Il est utile dans certaines circonstances. Le discours politique est plutôt consensuel. Ce dernier est fondamental car tout se négocie. Dans la politique locale comme internationale, tout se règle sur la table de négiciation.
On ne peut pas construire une stratégie de libération sur la base de la colère, de la fougue et de frustration trainée depuis les indépendances. Nous sommes dans un monde de plus en plus interdépendant où la notion de souveraineté chantée sur tous les toits présentent ses limites face à l’action des Organisations internationales, les menaces transnationales telles que le terrorisme qui demandent des réponses conjointes, et d’autres surprises telle que la covid-19 qui nous exigent de réinventer une nouvelle forme de collaboration internationale, n’en déplaise les protectionnistes.
Face à un monde où les repères changent constamment et où les équilibres doivent s’adapter, il faut savoir qu’il n’y a pas de véritable souveraineté sans les autres. On ne peut pas oublier le passé, ce n’est pas un prétexte non plus de se faire des ennemis. Il nous faut intelligemment chercher à gérer nos intérêts et collaborer aussi bien avec les anges que les diables d’hier et d’aujourd’hui sans vilipender nos biens communs pour des projets privés.
On n’a pas des amis ou des ennemis à faire, mais des ressources à bien protéger et gérer, des populations à nourrir, soigner et éduquer. On ne réglera pas ces urgences avec des discours de haine. Le néocolonialisme est dans nos têtes car nous avons à nos dispositions des moyens de redéfinir tous nos rapports avec les autres. La pandémie qui traine le monde dans la boue nous a justifié cela. Les pays peuvent ne pas attendre l’OMS ou les États-Unis pour tester la politique qui marche pour eux.
Parmi ceux qui comblent le vide, il y les apôtres de l’entreprenariat qui vendent cet élixir que les gens boivent pour devenir tous CEO sur LinkedIn. L’entreprenariat aussi est une belle alternative pour apporter les solutions au chômage des jeunes et à permettre de caser certains profils que le système ne prend pas en compte. Toutefois, cette pratique qui a un impact social et économique ne peut pas créer nos nouveaux sauveurs. Ces CEOs qui sortent de partout ont un impact dans leur domaine, mais il ne faudrait pas qu’on leur laisse le terrain afin qu’ils prétendent avoir la réponses à nos urgences.
Nos problèmes sur le plan national comme international sont politiques, donc les réponses doivent être politiques.
Pour cela, il faut que les populations se politisent, cela ne veut pas dire militer dans un parti politique forcément, mais s’approprier au moins les questions qui touchent à nos destins communs et de participer à ces agoras populaires et parfois virtuelles qui élargissent le champ de nos participations politiques en dehors des urnes. Ces populations, pour leur propre intérêt, doivent avoir des avis basés sur une bonne information et se donner les moyens d’avoir des débats constructifs qui puissent servir de propositions aux décideurs. Ce système de politisation basé sur nos valeurs doit pouvoir éjecter tous ceux et toutes celles qui n’ont que l’insulte facile pour cacher leur impertinence et leur manque de culture.
Crédit photo: blog courrier international
Les hommes politiques doivent aussi avoir assez de flexibilité pour comprendre que les manières de faire doivent changer. Le système est essoufflé, démodé, mal aimé, il est temps alors de lui donner un nouveau souffle en donnant aux jeunes l’opportunité de s’exprimer, et en reconnaissant que la politique de notre temps doit utiliser des outils de notre temps pour régler les problèmes de notre temps.
[1] Lessons from COVID-19 in Africa: Crisis and opportunity, http://afrobarometer.org/fr/blogs/lessons-covid-19-africa-crisis-and-opportunity
Comments