CON-FESSIONS
- Patherson
- 30 avr. 2019
- 6 min de lecture
« Mon père est mort. C’est moi qui l’ai tué. Et me voilà attristé, contristé, éploré, maussade, morne, marri et peiné. Suis-je coupable ? A toi je juger…
Mon cœur se nouait de plus en plus à chaque étape, du constat du médecin avec le geste pointilleux aux gaillards abattus qui cherchaient leur force pour transporter le corps à la morgue car ne voulant pas croire à l’irréversible, en passant par les va-et-vient des voisins meurtris ou qui faisaient semblant de l’être et qui me surchargeaient de « mes condoléances, que Dieu l’accueille au paradis, c’était une bonne personne ». Était-ce sincère, ne s’agissait-il pas de la simple comédie humaine qui sait si bien tourner ta page avec une demi-goutte de larmes aux yeux, l’esprit et le cœur vacant déjà à d’autres occupations ? Donc à quoi servent ces mesquines, ladres et étriquées prières ? Je ne sais guère, mes pensées tournées vers naguère.
C’était un bon père, gentil et attentionné, mon calme l’inquiétait, ma joie l’excitait. Il était ce genre de père qui, le dimanche venu, laisse maman dormir et s’occupe de la cuisine. Lorsque j’avais une bonne note, il me disait de viser plus haut et de garder la ligne de mire vers ma cible, et si c’était une mauvaise, il ne m’engueulait jamais, il m’aidait plutôt à voir en cette petite chiffre en rouge sur ma feuille une source de motivation, une flamme incandescente qui n’est rien d’autre que la rage de vaincre les obstacles. Tellement attaché l’un à l’autre, je ne pouvais m’empêcher de pleurer son absence durant ses voyages et il gardait toujours le contact car me disait-il, je fais son bonheur. Ma tête d’innocent, j’acquiesçais honoré, arborant le sourire de 12 dents. Notre lien était magique.
Il avait une femme qui avait perdu la vie en donnant la vie à une fille. Cette tragédie le choqua, il y perdit un moment la foi, sombra dans l’alcool et la drogue, laissa son travail et devint un va-nu-pieds. Heureusement, l’assistante sociale de son service prit en main son cas pour lui faire suivre une thérapie, un suivi psychologique et l’aider à être un père pour sa fille sans mère.
Le coup de génie d’une dame de cœur, que l’on appelle toujours par le nom d’« assistante sociale », c’est pourquoi je ne connais pas son nom et je ne l’ai jamais demandé car ça sonne bien, l’aida à reprendre le volant du véhicule de sa vie.
16 ans après cet épisode, je naquis, dans cette famille. Eva, la seule femme de la famille prit soin de moi, naturellement à mes yeux c’était ma mère. Elle m’aimait plus que mon père, et a su prendre soin de moi comme toute bonne mère. Elle m’apprit à être digne et à ne jamais tendre la main. D’elle, je pris toutes les valeurs qui font un héros.
Aujourd’hui je suis mature, par accident ou par volonté, des choses qui me concernent devaient forcément se révéler au grand jour.
Le regard de celle en qui je voyais ma mère changeait, je luis disait sous un air taquin « tu me regardes bizarrement parce que j’ai commencé à avoir une barbe ou quoi » et elle riait. Nous riions. Au fil des jours, son sourire le trahissait, et révélait une angoisse qui bouillonnait en elle, une sorte de gêne qu’elle veut cacher ou un colis dont elle veut se débarrasser sans savoir comment. Un secret ? J’avais moi aussi mes interrogations, car je grandissais comblé mais je sentais un vide qui augmentait en moi au fur et à mesure que j’avançais dans la vie ? Mon cœur me disait que quelque chose me manquait, un évènement m’a échappé dans ce décor trop parfait, je n’étais pas encore moi, il fallait que je trouve la pièce manquante. Mais où ?
Mes questions envers Eva se multipliaient, elle les esquivait avec habileté et avait l’art de changer les sujets avec subtilité. Mais je suis un garçon têtu, et ce défaut jouera en ma faveur, je l’espérais.
Mon père me sentait éloigné de plus en plus de lui et maintenant il ne fait plus d’effort pour me parler. Avait-il lui aussi sa part de culpabilité ? Cette distance l’arrangeait-il ?
Je commençais à y voir de plus clair le jour où déterminé à avancer dans mes intuitions je disais à mon père : « papa, qui est ma vraie mère ? » ; « Eva est trop jeune pour être ma mère ».
Il me gifla avant que je ne termine ma phrase, ses yeux rougirent, ses poils se dressèrent, il cassa le vers d’eau et sortit de la maison. Je ne l’ai revu que 3 jours après et il sentait l’alcool, c’était la rechute. Pendant ce temps, Eva avait bien gardé ses distances et ne mangeait même plus avec moi. Nous traversâmes des jours calmes avec des silences bruissant, des regards parlant, des gestes trahissant.
Pour changer l’atmosphère de la famille adorée, j’ai décidé de me débarrasser de mes pensées négatives et organiser une sortie familiale en famille, histoire de recoller les morceaux de la petite maisonnée.
Le vendredi soir venu, j’attendais le diner pour m’excuser et proposer mon idée pour le week-end. Malheureusement, je ne vis pas mon père, je demande à Eva et elle me dit qu’elle est parti en voyage, et mes élans se brisèrent, Eva renchérit : « d’ailleurs je veux te parler ».
D’un geste nonchalant et crispant, elle s’installa à table.
Soupir !
« Mon fils, oui mon fils (d’un ton martelant), aujourd’hui tu as vingt ans, tu es mature et j’espère que tu seras assez fort pour accepter ce que je veux te confier, te révéler, ça ne doit plus être un secret pour toi.
Je suis cette jeune maman à qui on a imposé de se taire pour ne pas jeter l’opprobre sur la famille, je suis celle qu’on a emmené loin vers une autre terre pour que je sois la mère exemplaire au milieu d’inconnus qui ne savent rien de mon passé, me voyant juste t’entretenir et nourrir de bons liens ici.
Mon fils je ne connais pas ma mère, et j’ai su vivre avec, ce que je peine à dire est plus lourd que le fait de naitre sans voir sa mère mais j’espère que tu tiendras le coup mon garçon »
Délivre moi maman, mon cœur risque de lâcher disais-je.
Eva me dit doucement mon fils et reprit son souffle, son cœur se noua, une larme coula sur sa joue.
Mon fils, « avec une voix impuissante », ce que je veux te dire et qui me pèse, me hante, et
me heurte c’est que je suis …….je suis….. Je suis …. Ta mère mais aussi ….ta ssssœur !
Quoi !!! Comment est-ce possible ? Criant de douleur et de honte Eva me dit baignant dans ses larmes par terre que notre père la violée à l’âge de 16ans et je naquis de cet acte abominable.
Je sortis de la maison aveuglé, mon cœur battant à cent à l’heure, mon corps tout en sueur, je m’engageais dans la route sans rien voir et pauvre Eva voulant me rattraper se fit heurter avec moi par un camion. Victime de nos vies et de la route par chagrin, nous nous retrouvâmes à l’hôpital. J’avais une fracture à la main droite et Eva eut une double fracture au pied.
Nous mêlions douleurs et douleurs, j’étais moins blessé physiquement mais plus qu’abattu intérieurement me demandant comment continuer à vivre mais je devais soutenir Eva.
Quelques jours passèrent et ce père pervers arriva, la tête basse, sachant que sa bombe à retardement a explosé et nous tue à petit feu.
Je pars à sa rencontre et j’anticipe son propos, « papa ne dites rien, j’ai compris et je vous pardonne, sincèrement » et il écarquille les yeux ne sachant quoi faire, ni dire, bougeant sa main, je lui donne une tasse d’eau pour le calmer qu’il but et tomba raide mort sur place. J’y avais mis une poison appelé « strychnine ».
Chez nous les autopsies ne sont pas dans nos habitudes, on en fit alors tout simplement une mort naturelle, ma « mère-sœur » en fit une mort par honte.
Je voulais savoir plus tôt pour me suicider, savoir plus tôt pour ne pas connaitre ce que dit la religion, ni les leçons de développement personnel qui résonnent en moi et me disent de surmonter les obstacles, savoir plus tôt pour mettre un point final à ma vie et lorsque Dieu me demandera « pourquoi tu t’es tué », je répondrai « je ne savais pas que c’était interdit de se suicider ».
Mais maintenant je dois vivre avec, je ne vais pas me suicider mais j’ai tué une partie de moi, mon père, je dois essayer d’aimer cette orpheline devenue mère-sœur, ne sachant réellement pas comment la regarder, comme une mère ou comme une sœur, cette Eva désormais sur une chaise roulante depuis notre accident du soir de la vérité tragique.
Elle roule sur son chagrin et je suis le seul à la pousser avec mon fardeau, voilà pourquoi je ne me suis pas rendu à la police pour purger ma peine de criminel programmé à côté des innocents incarcérés, des assassins par accident et des meurtriers invétérés.
Coupable ! »
J’ai eu le regret de partager mes confessions, moi Kilinko Fofana, victime d’une société qui crée des pères pervers et des mère-cenaires, qui préfère taire les vérités qui dérangent et derrière l’hypocrisie elle se range. »
Suis-je coupable ?
Patherson
Silencesdesrimes.
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