Oustaz Barham DIOP est un érudit sénégalais qui a grandement contribué au rayonnement des sciences islamiques au Sénégal. Cet homme religieux est reconnu comme étant un diplomate qui fut un des artisans dans les relations sénégalo-marocaines depuis les années 60.
Une fois, il a été invité dans une conférence religieuse à Saint-Louis, et les microphones ne marchaient pas bien et beaucoup d’éléments logistiques présentaient des failles. Un homme se leva pour leur dire à qui ils avaient affaire en ces termes : « votre conférencier est un grand savant qui a étonné même le roi Mouhamed V. Invité par ce dernier pour participer au « Dourouss Hassaniya » durant un mois de ramadan, Oustaz Barham DIOP a, par sa brillante intervention, tellement ému le roi qu’il initia la Rabita des Oulémas du Maroc et du Sénégal (ROMS) pour l’amitié et la coopération islamique. »
Cette anecdote permet de voir comment au Sénégal, nous avons souvent négligé le savoir et nos savants qui sont honorés hors de nos frontières. Si nous acceptons maladroitement que nul n’est prophète chez soi, alors pourquoi taxer de traitres ceux qui partent ailleurs ou pleurer de les avoir perdus ?
Hier c’était Bachir, aujourd’hui c’est Felwine. Il sera trop simpliste de dire qu’ils sont partis de leur propre gré, que personne ne les a forcés. Certains panafricanistes de clavier, d’extrême gauche, se feront le plaisir de les taxer de « vendus ». Sur quelle base ? Je ne saurais vous dire car dans leur discours il n’y a que de la haine et non du savoir, ou une bonne information.
Je pense que le mal vient de nos sociétés qui ne valorisent pas les choses les plus utiles comme le savoir, la recherche, l’approfondissement des connaissances. Et pourtant, notre combat de libération ne peut se gagner que sur ce terrain. Le pharaon noir ne nous avait-il pas dit de nous armer de sciences jusqu’aux dents ? Cheikh Anta DIOP avait compris que seules les véritables connaissances sur notre histoire, notre véritable géographie, nos épistémologies pourront nous réconcilier avec nous-mêmes.
Au moment où la série « Maitresse d’un Homme marié » déborde de sponsors, "les Ateliers de la pensée" ont du mal à avoir la visibilité qu’ils méritent dans le pays où ils se déroulent depuis trois ans. J’ai été surpris de voir que les ateliers de la pensée édition 2019, du mercredi 30 octobre au samedi 2 novembre à Dakar, ont été principalement couverts par des médias occidentaux, Le Monde, Le Point, Rfi.
Face à un rendez-vous intellectuel si important et décisif même, qui est qualifié par le journal Le Monde comme étant « le moment le plus important et le plus couru de la vie intellectuelle en Afrique francophone », au moins, si on ne voit pas le Président de la République, on devrait voir les ministres de la culture, du tourisme et de l’éducation ou au pire un parmi eux.
Comme on réserve de meilleures audiences à des « futilités », il ne faut pas chercher des boucs émissaires à nos maux.
Nous ne devons pas avoir la prétention d’aimer ce continent mieux que ces savants qui plient leurs bagages pour aller ailleurs, ils sont allés se donner les moyens de leur combat. Notre véritable quête par rapport à notre émancipation est d’ordre intellectuel et psychologique, heureusement, qu’on peut le mener dans n’importe qu’elle territoire géographique.
En tout cas, lorsqu’ils se battaient encore dans nos pays, ils étaient adulés ailleurs, s’ils partent ailleurs, ce n’est pas de l'abandon.
Le simple fait de voir aussi que le programme de recherche que Felwine poursuit à Duke intitulé "Ecologies of knowledge, repose en partie sur "l'exploration des archives cognitives et les pratiques discursives des sociétés africaines" permet de confirmer qu'effectivement il n'abandonne pas, il part élargir le champ de bataille. Parfois, nous avons besoin de la grandeur de ne pas voir systématiquement en ces pays occidentaux des ennemis, mais on peut utiliser ce qu'ils ont pour nos projets. Rappelons juste que des savants européens ont été en Egypte antique pour enrichir leurs sciences et retourner appliquer leurs découvertes dans leurs pays respectifs. Pourquoi cela devrait poser problème si nos chercheurs adoptent la démarche?
Lorsque la France demandé à Bénédicte Savoy et à Felwine SARR un rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, la logique voudrait que les pays concernés se manifestent massivement, et pourquoi pas créer un comité africain chargé de soutenir ce projet de création de cette « nouvelle éthique relationnelle ». Pour le moment, beaucoup de pays d’Afrique sont spectateurs face à l’histoire, les responsabilités internes royalement niés.
Le problème c’est d’abord nous, avant d’être ces autres. Ces autres certes fautifs, presque indéfendables, mais qu’on ne peut pas traîner éternellement au banc des accusés.
Le procès répare, mais c’est le travail qui reconstruit.
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