4H37, j’ai ouvert l’œil, je ne sais plus lequel exactement. Gauche, peut-être. Droit, possible. J’inspire, j’expire, m’étire et réalise que l’Omnipotent m’a encore ressuscité. Je me rends compte en ces instants que l’action de respirer n’est pas seulement absorber l’oxygène et rejeter le gaz carbonique comme on nous l’apprend en observation à l’école primaire. A chaque fois que nous respirons, nous sommes témoins de cette dialectique entre la vie et la mort, surtout faudra-t-il prendre conscience que nous ne contrôlons rien. Absolument rien. Nous faisons ce passage ténu entre le sensible et l’intelligible sans même saisir le moment précis où le moi sous une autre forme assure ses va et viens.
Respirer nous prouve sans brutalité notre faiblesse, que l’aventure tient à un fil et il doit nous pousser à rendre grâce à celui qui est aux commandes.
Respirer, c’est profiter de la douceur du zéphyr, et se plaindre de l’agressivité du harmattan.
Respirer, c’est s’extasier du parfum de la dame qui passe, de l’encens capiteux qui embaume.
C’est aussi avoir les narines poignardées et les poumons torturés par ses odeurs nauséabondes.
Respire !
Respirer c’est avoir un coup de foudre et survivre, avoir le cœur qui bat pour quelqu’un sans pouvoir se débattre, c’est inspirer et rester asphyxié, les cheveux ébouriffés et les yeux écarquillés car on est bluffé. Respirer…
Respirer c’est commencer à apprécier, et saliver pour ce ndogou[1] qui mijote encore sur le feu, pour ce thiébou diène[2] qui titille les narines, pour ce yassa guinar[3] qui te guigne. Respire profondément.
Alors la prochaine fois qu’on te dira que respirer c’est inspirer et expirer, dis-toi que la définition a omis de faire la différence entre un mouvement mécanique et l’histoire de toute une vie.
Respire…
Respirer est un geste sublime, car ce n’est ni vivre, ni mourir, c’est faire les deux à la fois. Le comprendre, c’est ne plus avoir peur de la mort. Alors vis ! Non, respire. Tout simplement.
Respirer pour moi finalement, c’est toucher l’instant.
Patherson
[1] Rupture du jeun
[2] Riz au poisson : plat national du Sénégal
[3] Yassa poulet
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