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AFROTOPIA : Ma note de lecture

Felwine SARR, Afrotopia, Philippe Rey, Mars 2016

« Penser l’Afrique, c’est cheminer dans une aube incertaine, le long d’une voie balisée où le marcheur est sommé de hâter la cadence pour rattraper le train d’un monde, semble-t-il, parti il y a quelques siècles. C’est débroussailler une forêt dense et touffue, c’est arpenter un sentier au cœur d’une brume, un lieu investi de concepts, d’injonctions censées refléter les téléologies sociales, un espace saturé de sens » nous dit Felwine SARR.

En effet, l’économiste, philosophe et musicien nous interpelle à sa manière sur le fait que l’Afrique doit convoquer une réflexion sur l’articulation de nos futurs, car le continent a été constamment sous injonction sans avoir l’occasion de s’exprimer avec ses propres réalités sur sa trajectoire et son avenir. C’est ce qu’il appelle « une panne dans la production autonome et endogène des métaphores de ses futurs ». Par conséquent, pour redevenir sa lumière propre, donner du sens à une aventure civilisationnelle, l’Afrique a l’obligation de s’arrêter et se demander quelle société elle a envie de mettre en place avec quelle civilisation mais aussi les outils d’expressions de ses aspirations présentes et futures. En réalité il s’agit d’un travail assez complexe de conceptualisation et de re-conceptualisation. Lourde responsabilité !

Nos approches épistémiques et ontologiques entre l’être et le savoir être, de l’imaginaire appliqué au réel, des rêveries audacieuses aux actes concrets sont altérées ne trouvant pas les prismes adéquats à travers lesquels nous devons concevoir le futur, ce futur quelque peu fade et raté car le présent étant lui-même zappé dans la perspective d’analyse.

En effet, L’Afrique entretient avec les trois mesures du temps un rapport victimaire et passif. Devant notre passé, on se souvient avec de la lamentation, le discours du catastrophisme prévaut au présent, et pour le futur, nous n’avons réservé très souvent qu’une rêverie passive. Changer le curseur nous pousse, nous exige plutôt à convoquer dans l’histoire les éléments qui nous permettent de nous définir une identité commune, dans la fierté d’être ce que nous sommes, de vivre le présent en nous prenant comme étant les seuls responsables de notre trajectoires, du moins les premiers, au lieu de chercher des boucs émissaires et enfin aller vers le futur avec des stratégies et visions claires qui prennent en charge l’évolution des populations, la gestion et la distribution des ressources, la justice sociale.


Les repères disparaissent indubitablement lorsque l’africain veut expliquer les arcanes d’une mythologie, évaluer des réalités du vivant, du viable et du vivable avec des méthodes exportées, étrangères et inadéquates devant les données de l’équation de construction de notre idéal de vie.


Il convient de signaler alors que le paradigme est à dépoussiérer, les outils d’évaluation du niveau de vie sont aussi à sélectionner ou nous avons la responsabilité de les réinventer.

On voit nettement que les statistiques n’ont jamais pu refléter l’optimalité et l’intensité de notre richesse sociale, les contours de notre richesse ne sont pas totalement reflétés par les méthodes de l’économie classique occidentale avec des outils tels que le PIB et le PNB. En effet, notre manière d’exister interroge en premier lieu et par essence notre humanité.

Dès lors certaines finalités de la manière occidentale de vivre ne peuvent pas être transposées chez nous.


@crédit photo: Thinking Africa


Voyez-vous, notre projet de modernité en est devenu une crise, une dépression, car ayant dépossédé notre humanité de son essence. Et dans ce projet, qu’on aurait même pris pour un absolu, le péché de tous les temps a été d’établir une dichotomie entre tradition et modernité. Nous apercevons ce « joyau-tradition » comme un archaïsme réfractaire au progrès et que la modernité est cet habit cousu ailleurs et qu’il faut tout faire, même se raccourcir les membres, pour que cela nous aille. Il y a problème !

Donc l’enjeu véritable est pour nous de nous départir de tout ce qui aliène l’humanité aussi bien dans le traditionnel que dans le moderne. Alors, il y a continuité et complémentarité plutôt que rupture.

A côté de cette problématique de l’être, l’économique est un aspect consubstantiel. Mais ne rentrons pas dans le piège d’accepter comme informel ce secteur dont 54 pour cent de la population dépend. Ce que l’autre classe considère comme informel, est formel chez nous, du moins le valoriser et maîtriser le circuit, car étant le poumon de notre économie. Nous ne devons même pas raisonner selon la logique « secteur formel et secteur informel » mais il est plus commode d’adopter la formule « économie de subsistance et économie de prestige ».

A la lumière de notre lecture qui n’est pas exhaustive car confronté à un ouvrage aussi riche que profond sans oublier sa haute facture littéraire, nous sommes fondés à croire que, l’africain est écartelé entre deux mondes et a une double tâche : se retrouver ou revoir ses repères, et accepter de se réinventer, être prêt à explorer les espaces pas encore défrichés pour que l’humanité avance. En plus, l’imitation Etat-Institutions dans laquelle nous évoluons est une caricature obscène. Et « l’Afrocontemporanéité » impose qu’on ait notre propre culture et que l’on fasse cohabiter plusieurs cultures sans tomber dans l’emmurement.

Oh que si ! Notre continent est protéiforme avec des accents pluriels. Comme nous recelons comme toute population un capital symbolique, nous devons l’épurer dans l’urgence pour en déceler la quintessence et vivre le FECOND.

Comme une Révolution spirituelle, il s’agit de penser l’Afrique, prendre le large contre la marée, faire une proposition de modernité, questionner l’économie et nous nommer pour nous guérir afin que l’ultime révolution soit intelligente. Nous pourrons alors habiter notre demeure, AFROTOPOS, ces villes africaines, authentiques configurations du possible. De là nous vivrons avec la présence à soi et les leçons de l’aube seront sues.

« Penser le large, c’est concevoir la vie, le vivable, le viable autrement que sous le mode de la quantité et de l’avidité, c’est penser une vitalité apportée à son plus haut régime, envisager l’aventure sociale comme devant nourrir la vie, la disséminer, la propager, la faire croître en qualité en l’inscrivant dans une perspective plus élevée » Felwine SARR vient de frayer quelques chemins.

A nous de soutenir et continuer l’œuvre.

 
 
 

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