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Flambeau d'un siècle : épisode 2

De sueur et de galère: un sens élevé de la fraternité


"Ceux qui ont des BC, levez la main, on vous laisse dormir.”

Après une bonne heure de massacre, le corps en sueur, les minutes passant comme des jours, voilà la phrase qui semblait être le verset du salut. Avoir de bonnes choses à offrir était le fétiche pour quitter l’enfer.

Mais tous ceux qui levèrent la main ce soir-là virent de la fournaise s’ajouter au feu. Pour les anciens, c’était l’acte de la trahison.

Ainsi s'affichait l’une des premières leçons sur la fraternité, la cohésion, le sens de l’honneur. “On ne trahit pas ses frères”.

Depuis lors, j’ai développé un regard très rigoureux sur la notion de fraternité. Je suis souvent irrité lorsque je constate qu’on utilise le terme “frère” partout, on en perd presque la charge symbolique.

La fraternité qu’on accorde à la personne qui n’est pas du même parent doit assurément avoir un bon socle. A défaut de sang, nous avons trouvé la sueur de la souffrance. Le sourire dans l’endurance.

Tu te rappelles encore ce fameux “njiaba” où le type racketté par un ancien vient emprunter le pot de Mbengue et la cuillère de Laps, demande du couscous à l’ordinaire et du lait à Jules. Des ustensiles au mets, tout débrouillé jusqu’à faire sourire le ventre afin que le cerveau soit docile.

Même ceux qui te taillaient le faisaient sans briser le lien, sans froisser la bonne humeur, car après tout, avec ta déception, tu sais qu’ils ne te lâcheront jamais. Bref, c’est juste un thiakry. Mais ne l’oublions jamais, il vaut de l’or. Après un poulet aux frites, quelle bénédiction! De quoi secouer un réfectoire et le village avec. Ce n’était pas un jeu. Il fallait être costaud ou rusé pour survivre le samedi soir.

Quand on dit que le Prytanée est une école de la vie, c’est grâce à ce sens pointu, raffiné, exigeant autour de la fraternité et la valeur de l’endurance.


La vie ne fait pas de cadeau, surtout à quelqu’un qui a prié pour recevoir de la souffrance, nous l’avons cherchée, n’est-ce pas? "Mon Dieu, mon Dieu / Donnez-moi la gloire / Donnez-moi la souffrance/ Donnez-moi l’esprit de sacrifice."

Nous étions innocents et purs, donc la prière a été exaucée sans passer par les anges, mon ami. Avec le recul, on parvient à mieux cerner les sens, et si c’était à refaire, oui je serai douze genoux à terre, mais on va réécrire certaines lignes. On va négocier, au nom de N’tchoréré.

Nous ferons face à plusieurs épreuves, des pelotons de galères, mais après avoir été aguerri par la chaleur de l’inter 12-14, la mystérieuse nuit noire, et le combat pour une cuisse de poulet et un sachet de thiakry le samedi soir, nous avons assez de ressources pour balancer les bras. Alignez-vous! De base! Un chant là bas…


Vous pouvez le remarquer, ces enfants qui ont appris à marcher au pas, savent déraper. Ils ont grandi dans les rangs, et maîtrisent l’art de l’anti-conformisme. Défier constamment le statu quo, quitte à être un incompris est un prix pour la liberté pour ces membres de la secte qui ont testé moult stratégies à cinq heures trente du matin pour tromper la vigilance du chef de classe à l’heure du décrassage ou pour être présent à l’appel tout en étant en ville. Il y a des intelligences qui frisent le charlatanisme.


C’est avec ce génie aussi qu’on a su faire d’un sachet de “Thiaf” un bouclier efficace contre les coups de la galère. Qui doit une dette à mère Thiaf? Il nous faudra bien un portrait de ces braves dames au foyer.

Qui a tué la pauvre chèvre?

Mon crime est moins grave. Je faisais partie du groupe de ceux qui grillaient les crabes au lycée avec les “saf-safal” qu’il fallait. On ne stressait même pas de l’examen qui pointait à l’horizon. Peut-être le faisait-on pour une nuit de plus en taule. Moi je n’ai jamais fait un séjour dans ce fameux et mythique lieu. Je n’étais pas sage, juste chanceux.


Ce sang froid n’est ni un excès de confiance, ni une sous-estimation du sérieux de ces rendez-vous académiques, mais l’environnement a fait que l’enfant de troupe ne perd pas la tête facilement.

Il faut un peu de tout pour faire un enfant de troupe. Du courage et du rêve, le talent de marcher dans les rangs tout en étant un déviant. Dans le sens noble du terme car chaque société a besoin que ces conforts dogmatiques, ses ordonnances socioculturelles soient bousculés avec bienveillance afin de faire évoluer les choses dans le bon sens.


A notre Endurance. On en a toujours besoin en ces temps de basculements et d’incertitudes.

A notre Fraternité. Le monde marche en réseau et la confiance est devenue denrée rare.

Le “terrain Mbaam” vous salue, chaleureusement!


Manquez à ce crédo, on vous promet du cirage et du dentifrice.




Flambeau d'un siècle : épisode 2

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